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39 novembre
Ce qu’il fallait de religion pour qu’on accepte de ne plus souffrir, pour qu’on dise oui c’est fini, bien fini, sans redevance à nos rages anciennes, sans résignation pour les humanités. Ce qu’il fallait de pensées échangées les soirs de deuil pour accepter que le monde devienne, et de feu en feu on irait accoucher…
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38 novembre
C’était le temps des fêtes, des familles, des autours de table parlant langues de frères et de sœurs, mots de mères, de pères multipliés, ce temps crevé d’excès, de brûlures de cendres déposées sur nos mains. Là où le feu de la parole nous réchauffe nous brûle nous cuit, nous devenons tendres.
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37 novembre
Ce qu’il fallait de mutations de changements, de transformations frustes, de chambardements, de digestions, métamorphoses des dociles, rénovation des obsédés du moteur, variations à pédales, transmutation d’une énergie sur une autre, freins, roues, creusement d’anciennes charettes, routes devenues boulevards, promenades avenues, charpentes désossées des grands hangars, et l’odeur du métro, l’odeur soudaine du métro, la…
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36 novembre
C’était le temps des âges, des macérations de plantes mortes, un truc pour présumer de ses forces, on faisait de longues promenades, marcher aux nuisibles, prendre une petite inspiration et souffler la vapeur de nos bouches, regarder sous la nuit la lueur peureuse d’une Lune presque pleine qui s’appuie sur les champs, humer les herbes…
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35 novembre
Ce qu’il fallait de fatigues. Ce qu’il fallait de risques pris, à verre mesurés. Ce qu’il fallait de paroles pesées, de hautes lumières dans les ciels rougeauds du soir. Si le froid gelait les organes, les intérieurs des corps – nous donnerait des morts instantanées. On était debout au pied de nos colères, et regardant…
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34 novembre
C’était le temps des fatigues sans bordures. On cherchait le repos, on allait voir les grands doigts noirs des arbres, le ciel qui ployait dessus. On marchait sous la canopée, on aurait pareillement volé la terre. Tu tenais ma main contre toi comme un animal chaud et doux, et je voyais pousser des armures au…
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33 novembre
La tête comme ça pleine de petites pierres comme de petites phrases jetées dans un panier. Des petites phrases qui ne servent plus pour la parole, plutôt pour décorer un pot, une plante. Maintenant que les choses changent. Maintenant que je m’aperçois que les choses changent. Ont changé, les choses. C’est une peine qui peut…
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31 novembre
Ça tient le temps, de réparer les effondrements. Mais ça ne tient pas les nostalgies à distance, les peines. J’aurais mieux voulu pouvoir te dire On fera vieux feux de nos os longs, on dormira jusqu’à récupérer toutes les fatigues perdues, mais t’es partie, ta disparition a fait taire ces phrases-là, et maintenant je dois…
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61 octobre
Autoportrait au robinet, préparatifs pour la bataille avec le monde. Ma peau fait son office de peau. Elle me tient. Comme un sac elle me tient ensemble dans elle. Malgré les choses qu’on ne sait pas à mon sujet, j’ai une peau qui me tient ensemble. Je porte le nom de la seule famille à…
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60 octobre
A l’origine on était deux visages. A l’origine on était des bandes de mots sans force et vides de sens, des visages dessinés de force par la langue, mais qui ne voulaient rien dire encore, que personne ne reconnaissait, personne ne voyait ne pouvait toucher ou dire, Ah tiens, c’est icelui. Des visages sans réponse,…