Auteur/autrice : Juliette Cortese

  • 34 juin

    34 juin

    Nous sommes toujours dans le nuage. Il fait grisâtre.  Je n’ai plus vu le ciel, sauf couché par terre, à l’écoute de ma propre parole.  Au jour de la parole.  Dans la nuit j’ai écouté mon aisselle. Elle me chuchotait des humeurs vagues, arômes de poivres et de sels. Ses phrases articulées parlaient de ce…

  • 33 juin

    33 juin

    Je me suis réveillé en vrac. Comme sans récipient. J’étais sur mon lit, éparpillé. Pour un peu le plafond aurait reflété ma dispersion.  L’armoire me regarde. La souris est venue, me dire à l’oreille qu’elle a bien connu un dromadaire qui s’était vu pousser des nageoires derrière la bosse. Elle dit que ce n’est pas…

  • 32 juin

    32 juin

    Quelque chose change. Aux pieds j’ai toujours plein d’orteils, et maintenant l’entorse chevillée.  Les jambes ont pris une torsion.  Une tournure de femme.  Mes jambes sont une femme.  Mes jambes sont de femme.  L’évidence évidée : je suis un homme avec des jambes de femme. Un homme avec les jambes d’une femme.  Mes jambes d’homme…

  • 61 mai

    61 mai

    J’allume la radio. On dit que le temps n’a pas de lit. Peut-être pas de lit. On dit que le ciel ne sera plus jamais bleu. Peut-être plus jamais bleu. Quel est le lit du temps ? Si le temps n’a pas de lit, il s’écoule. Seul ? Sans témoins ? Sans immobilité ni repère.…

  • 60 mai

    60 mai

    La ville ma cage, un coeur bruissant dans l’obscur.  Je n’oublie pas ma peau. Parfois, je la laisse au café comme si c’était mon vestiaire, et je sors sans. Avec seulement mes organes, et les semelles de mes chaussures. Les gens s’étonnent : quel est cet homme sans chapeau ?  Aujourd’hui, je n’oublie pas ma…

  • 59 mai

    59 mai

    Je parle sous le feuillage. Je n’ai pas d’autre oralité que mon silence de bouche. J’ai une dent contre la langue.  Je parle sous le feuillage. Dos contre le dos de la cour. J’étayage. Je m’appuie. Je me parle. Je fais ploser les bulles de mon repos contre l’alcool de mes joues.  Je parle sous…

  • 58 mai

    58 mai

    J’ai un ami qui a peur de la salade. Il l’évite. Son croquant de dents, son jus.  Moi, ce sont les limaces.  Chacun parcourt l’existence, rien d’égal par ailleurs. Couleurs se croisent penchent et s’emmêlent comme les gens. Et nous restons là, à braver des mouches mélomanes, à creuser des trous dans le sol qui…

  • 57 mai

    57 mai

    On était sombres, on était tranchés anxieux, ridés par une bile d’époque. On tentait de vivre en regardant la fenêtre. Il restait ta main, et quelques va et vient. On se collait. On se serrait les corps on secouait on s’étouffait pour vivre encore. Il fallait changer ses façons. Ne plus voyager. Faire prudence à…

  • 56 mai

    56 mai

    J’avais la canopée parisienne et dans ma tête un printemps terrible. On avait fait quelque chose qu’il ne fallait pas.  Depuis, partout dans Paris des lauriers secouaient leurs fleurs roses, étouffantes. Je suis chez la femme rousse. Allongé sous les feuilles, je parle. Je pense qu’elle m’écoute. Je ne sais pas où elle est.  Dans…

  • 55 mai

    55 mai

    La ville ce matin avait des rondeurs d’escalier. C’est vrai que j’ai oublié l’époque, celle des rondeurs de femme. Celle où j’avais des mains qui touchaient de la peau. Celle où tu étais là.  J’ai oublié comment c’était de n’être pas seul.  Maintenant je marche au bord du ciel, je regarde les montagnes et je…