Auteur/autrice : Juliette Cortese

  • 45 octobre

    45 octobre

    Je sais maintenant que quand tu regardais, je ne savais pas ce que tu voyais. Il y avait ça aussi : on en avait marre des fils, on les suivait en pinaillant, dire que c’était l’automne et que tout passait en chemins électriques. La vie était câblée, transformée en chiffres courant dans de longs tuyaux. …

  • 44 octobre

    44 octobre

    Un moment je reste debout. Interdite devant le lavabo. Je ne vois plus pareil. C’est comme si le sens de la vision lui-même avait été modifié.  Je vois les détails. Je vois en détail. Je ne vois plus que les détails. Ma perception est venue avec les jambes. Ce n’est pourtant pas la nature. C’est…

  • 43 octobre

    43 octobre

    Je me souviens de ce souvenir de toi comme d’un rêve. Je suis dans le fauteuil, mes jambes de femme sont posées devant moi, je les regarde. Je mesure ce qui a changé sans savoir.  J’hésite à comprendre. Je me demande aujourd’hui pour la première fois ce que tu attendais de moi. Étais-tu une femme…

  • 42 octobre

    42 octobre

    C’était le soir. Assis dans le fauteuil, au coin de la lumière, j’avais la souris dans la main, je caressais sa peau douce et couverte de duvet court, marron. Les plis et les battements chaud sous les doigts me rappelaient le corps de l’enfant que je ne porterais pas dans mon ventre. Et mes pieds…

  • 41 octobre

    41 octobre

    Être étrange, c’est une expérience quotidienne. Les regards diagonaux. Les vitres des yeux qui reflètent une étrange lueur, une curiosité malsaine. Être un mirage debout, une chimère dans le miroir de l’autre, un centaure échappé de quelque Olympe, un ange tombé pendant sa fabrication. Alors que je me sens de plus en plus unifié, unifiée.…

  • 40 octobre

    40 octobre

    Ce n’était pas si simple. Le sombre jamais ne nous lâche vraiment. On croit faire de l’humour, on croit faire l’amour, et sur le dos du monde, une grande fatigue sale étendue comme un drap, une lourde étole, un direct au foie. Je suis ce matin dans le soleil et je sens mon nez. J’ai…

  • 39 octobre

    39 octobre

    Si la photo était toujours la même, il n’y aurait pas de jour suivant ; nous pourrions vivre enfin tranquilles, débarrassés du temps. Mais la musique nous rappelle que le temps ne cesse pas de couler, et nous dedans. La souris me regarde en penchant la tête. Elle sort. Elle revient à la dernière mesure…

  • 38 octobre

    38 octobre

    Je n’entends plus pareil. Une résonance nouvelle, un écho à peine audible et envahissant.  La voisine m’a dit Vous ne jouez plus pareil, votre Bach a changé. Puis elle a regardé mes jambes, longuement. Pensivement.  Le sourire retroussé de l’escalier, on lui voyait toutes les dents.

  • 36 octobre

    36 octobre

    Rare. C’est quand je me mets au piano que je comprends que quelque chose a changé. Ta disparition me transforme longtemps après, comme des étoiles mortes dont on voit encore la lumière, ce qui reste sous nos paupières quand les images ont disparu.  Qu’une chose se vide, bien même un miroir, et le tout dépeuplé…

  • 35 octobre

    35 octobre

    Les hommes de mer se levaient dessous leurs bras, ça faisait des vagues. Une grande baleine mauve tournait sur la mer, fouissait, cherchant à creuser dans l’eau son trou – un nid douillet où couver ses petits. Les hommes de mer nageaient en banc sous son ventre. Petits, les yeux aveugles, leurs bras comme de…