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46 février
J’ai repéré au moins deux couches : celle qui se déroule, telle un présent simple, qu’on peut regarder passer, par exemple mes jambes de femme sont arrivées peu à peu, et l’épaule, et le moment où j’ai quitté la ville… et celle qui ne se déroule pas, mais qui existe en dehors du temps, telle…
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45 février
Est-ce qu’il y a quelque part un lieu où le plaisir existe et se dépose ? Peut-être que nous y accédons sans le savoir ? Recherchons-nous sans fin cet endroit où nous sommes passés sans nous en rendre compte ? Faut-il s’apercevoir de chaque plaisir ? S’en souvenir ? Jusqu’où s’habitue-t-on ? La jouissance vit-elle…
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44 février
Je dors à côté de mon compagnon, et je rêve. Tu serais de retour. On serait avions, lunes ou soucoupes, et des œufs nés dans les ciels. Le printemps nous rendrait notre amour, la vie cesserait d’être menacée, les angoisses se dénoueraient comme des ventres soulagés, et nos membres s’allongeraient au large. Alors on pourrait…
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43 février
Bizarrement, depuis que j’ai quitté la ville, je n’ai pas moins de fatigue. Elle me traverse par vagues, à la manière d’un printemps mordant. Je suis sous un empilement de matières inertes connues ou inconnues, qui me recouvrent et pèsent sur moi. Mon corps est allongé, douloureux, dessous ces substances que je ne comprends pas…
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42 février
Les jambes la tête autrement vide la danse noire des corbeaux la douceur souffle dans les poumons du printemps dans les bras des arbres une brise tiède fondante Et au pied je suis assise, je regarde vers le haut, j’attends que la forêt m’éclaire, le pouvoir du vert, je n’y crois pas, tout est étranger,…
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41 février
Au réveil je regarde le pré devant la tente. L’eau de la nuit s’est posée sur les brins d’herbe. Au bout de mon corps ma tête vide sur l’arbre un oiseau a coupé la première fleur dans le printemps les branches ne sont pas vivantes. Je me débats entre ma pensée et la culture du…
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40 février
L’engrenage féroce du printemps ne se parle pas dans les rivières. Il est là, nous le sentons dans le vent qui nous caresse les joues, le nez. Mon compagnon dit qu’à cette saison nous devons beaucoup dormir et boire chaque soir une infusion de l’aubier de ce grand arbre qui devient rose. Celui-là même où…
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39 février
Certains jours je n’ai pas d’espace de tête pour la poésie. La quête de comprendre prend toutes les places libres. Aujourd’hui en est un. Faudrait creuser trou d’air, venter le crâne, y faire pousser quelque arbre à feuilles caduques. Mais tout est sec. Même comprendre relève de la création.
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38 février
J’écris une conversation que j’ai eue avec mon compagnon. Elle parle des grands espaces et de la façon dont nous nous transformons. Où vont les choses qui disparaissent ? Elles se déposent, dans leur langage de pierre, sous le front bleu de la terre. Et les gens ? Ils deviennent des insectes qui deviennent à…
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36 février
En ouvrant un livre que j’avais emporté, j’ai retrouvé une photo. Portrait bleu vingt-et unième, le capteur prend ce qu’il peut dans le fondu ambiant. Je regarde la photo, elle paraît déjà ancienne. Quelque chose en elle ne respire plus. Je me demande encore où tu es, parfois. Mais la survenue des transformations m’apparaît moins…