Auteur/autrice : Juliette Cortese

  • 44 mai

    44 mai

    Quand peu à peu les jours calmes me jettent au dehors, je me sens appartenir. Je fais partie de l’époque. Je suis parmi mes contemporains. Je regarde le monde qui se délite un peu : il se tortille dans ses contradictions comme un lombric sur le bitume. C’est l’image de ce moment où l’on commence…

  • 43 mai

    43 mai

    Les jours ne sont jamais calmes. Il y a un cadavre de mouche dans la salle de bain. Est-ce que c’est une mouche ? Est-ce que les cadavres sont encore ce qu’ils sont ? Le cadavre de ma mère n’est pas ma mère.  Les jours ne sont jamais calmes. Un nuage devient de la couleur…

  • 41 mai

    41 mai

    Hier soir résonnait son pas lourd au chemin clair du jour. Je garde mon sommeil. J’éprouve la dureté de ma fatigue, une dalle de béton coulée au fond de moi. Dans la fin du dormir, il y a le poids agréable de mon corps assoupi, et l’armoire dont la porte bat.  Je ne sais pas…

  • 40 mai

    40 mai

    Il y a toujours des soirs et des matins. Il y a ce qu’on pense, et ce qui se pense pour nous au dedans, sans savoir.  Je parle avec une souris. Elle me dit que ma mère est morte et vivante, que si sa bouche est fermée pour toujours c’est qu’on a mis de la…

  • 39 mai

    39 mai

    J’ai dormi en cavalier. Les souris dansaient dans l’armoire, elles faisaient claquer les portes et trembler le sol de la chambre. Ma tête suinte toujours. De mon agitation la nuit s’était faite une suite de losanges superposés, gris et noirs, qui dansaient au rythme du fracas des rongeurs. Ce matin j’ai la tête pauvre. Je…

  • 38 mai

    38 mai

    Angoissant et délicieux. Une chose va changer. C’est mes jambes. Mon sang me démange comme une forêt d’orties. Sans doute je vais naître tout à l’heure. Je me prépare en silence, je tisse mes nouveaux vêtements, je parle avec mes morts pour  que nous soyons en bons termes avant ma naissance.  Je me prépare à…

  • 37 mai

    37 mai

    C’est le soir. Je parle. La nuit se sauve. Le lampadaire devant la maison s’éteint dans un bruissement électrique. Je parle. Des phrases vaines et mal raccordées. J’essaie de coudre mes paroles mais je ne couds que mes lèvres. C’est angoissant et délicieux d’être là, d’agir comme ça, de chercher une issue. Je pense à…

  • 36 mai

    36 mai

    Nuit, soirée, matin : notre vie n’est que mouvement.  J’ai parlé dans le vide toute une soirée. Je ne sais plus si j’étais seul, si un ami était là. J’ai fait sortir les souris des armoires, j’ai ouvert les rideaux, on voyait le ciel clair et vain, on entendait la rue qui remue, le triste…

  • 35 mai

    35 mai

    J’ai écrit un SMS à quelqu’un qui mourait.  Ma mère me regardait sortir de mon corps en silence. Elle ne disait rien. Elle se taisait comme se taisent les gens qui sont morts. J’avais sa bouche fermée comme horizon, comme ancre. Je flottais hors de mon corps avec la bouche de ma mère pour seule…

  • 34 mai

    34 mai

    Je marche, je porte le vent sur mes épaules, j’ai des frôlements qui caressent le corps, mes bras mes jambes, un ballotement ample, ma peau qui tient, mes pieds obéissants. Je sais être bien. J’habite le corps : il est à moi. Parfois je sors. Parfois je regarde. Du dehors. Je ne choisis pas, je…