Auteur/autrice : Juliette Cortese

  • 33 mai

    33 mai

    Un jour, elle m’avait écrit. Avec une photo. « (Rare) Portrait de pieds à l’heure du repos de la guerrière.«  J’avais pris ça pour moi. Pour un message de confiance, une marque de complicité. Pour une fois ses pieds étaient immobiles. On pouvait les voir respirer, sur la photo. J’avais l’impression d’assister à la fraye des…

  • 32 mai

    32 mai

    Je suis de nouveau dehors. La lumière du matin est impuissante contre la puanteur de la ville. Je ne sais pas ce qui m’a poussé dehors. Une motion, une poussée, la main dans le dos du désir.  J’attends à l’angle de la rue, là où j’ai croisé la femme en tailleur blanc. Je pense qu’elle…

  • 61 avril

    61 avril

    Comme des êtres les taches de lumière vous éclairent le chemin.  Chacun ses obsessions. Moi, c’est l’ombre et la lumière.  Je demeure. Je deviens l’intérieur de moi-même, j’attends que quelque chose advienne, qui me change.

  • 60 avril

    60 avril

    Mes pieds d’un an de plus.  C’était ça. Chaque année j’ai un assaut. Quelques jours où ça se morfond dans ma tête. Je garde le lit, aux abois, chien de lotissement dans les draps. La mémoire me grêle : des jours incertains, des souvenirs mauvais, les yeux torves du passé.  Ce n’est que le jour…

  • 59 avril

    59 avril

    On marchait dans la forêt du même jour. Les ombres toujours cruelles, découpées par l’aigu de la lumière. J’ai posé ma main je ne sais plus où. Il y a eu ce frémissement, et plus rien. Le corps que j’aimais avait disparu. J’y étais pour quelque chose. C’est flou. Je me souviens seulement du silence.…

  • 58 avril

    58 avril

    Et puis j’ai eu ce souvenir. Le dessin des ombres nous suffisait. C’était le début de l’été des matins d’enfance, une joie vive nous piquait les yeux. Je ne me souviens que du corps. Une silhouette frêle dont j’éprouvais la dureté. Je rêvais d’être cette petite personne. Je me sentais l’autre, pas moi. 

  • 57 avril

    57 avril

    La fatigue n’est pas soluble dans la chaleur. Pourtant, il ne fait pas si chaud. Le ciel est couvert d’une pellicule de sable blanc crème, le vent souffle sans discontinuer sur la poussière des rues. Je garde la chambre, la maison, je garde. Je suis une sorte de chien. Je ne suis pas ressorti à…

  • 56 avril

    56 avril

    C’était de nouveau le matin. Comme si inéluctablement, le matin se produirait chaque jour après l’autre. On se réveillerait, le matin commencerait sa production : minutes de matin, secondes de matin, le temps des yeux clos, celui avec les yeux mi-clos, bientôt le moment de tenir un oeil fermé, de jouer à faire sauter les…

  • 54 avril

    54 avril

    J’aime les taches sur les murs. Parce que sûrement dans mon corps, il y a aussi des cartes du monde. J’aime les dessins dans les pierres. J’aime quand je marche dans les murs. Il se passe quelque chose avec l’endroit. Je suis dedans. Je peux le toucher. Je sens la lumière qui se reflète, j’entends…

  • 53 avril

    53 avril

    Longtemps mes pieds regarderaient le jardin. Ce n’est pas tout à fait une figure de style. Mes orteils ont un angle de vision meilleur que le mien. Ils voient l’herbe haute au pied de l’arbre, le cafard qui opine sur le trottoir, ils attrapent d’autres reflets dans les flaques, ceux que je ne vois jamais.…