91ème parallèle

  • 36 juillet

    36 juillet

    Tout le monde fuit. Mes jambes de femme et mon corps hybridé, comme tout le monde. Même la fenêtre est rentrée chez elle. Elle se regarde à travers pendant le petit déjeuner. Je suis un meuble qui parle. Une table avec un tiroir. Je me tiens sans tenir, sur mes pieds, je tiens bon, on…

  • 35 juillet

    35 juillet

    Ô mes ombres, ô mes pieds, ô mes contentions ! Ô ma mère ! Ô mon âge ! Ô chienne la vie, chienne la mienne et celle du monde.  Ô mes années ! Ô mes aveugles qui n’ont rien voulu savoir du vieillir. Je suis corbeau perché au haut de l’armoire. Je clame de là…

  • 34 juillet

    34 juillet

    L’armoire ouverte me montre son dedans sans pudeur, comme une femme au ventre qui baille.  La souris roule son pique-nique, ses draps roussis, ses petites affaires et petites pattes. Elle remballe.  Puis, attentive, les yeux clos, elle écoute Bach. Je joue.  Il fait chaud dans le piano. Les notes résonnent plus fort, les aigus tintent…

  • 33 juillet

    33 juillet

    On se levait tôt. Le printemps obscur et chiffonné donnait des brûlures à l’été. On marchait tout le jour en cherchant quoi faire pour échapper au lieu. Jusqu’à comprendre que ce n’est pas le lieu mais le temps, qui nous emprisonne. Une époque. Une fois sue, cette sagesse et l’amour nous faisaient dormir. On recommençait…

  • 32 juillet

    32 juillet

    J’ai déjà mis mon sang chaud dans les reflets bleus du matin. Ça n’a rien amélioré. La tête reste dure, épais le crâne. Quelque chose persiste à se répéter, se répéter, se répéter. Quelque chose qui n’est pas tout à fait moi-même, pas tout à fait un autre. J’aimerais être un pied de lavande. Je…

  • 61 juin

    61 juin

    J’ai eu un amour leste. Rapide. Une histoire brève, indescriptible. C’était tendre et évident, un sentiment d’être soi-même et proche de l’autre. Les mains proches. Les doigts. Les cheveux proches, quelque chose avec la peau, avec la parole, avec le regard. Une sensation d’imprévisible, qu’après coup on ne peut raconter. Les doigts qui se mêlent,…

  • 60 juin

    60 juin

    Dans la nuit violette des poètes, je voudrais écrire. Quelque chose qui demeurerait. Quelque chose de doux et d’intelligent, qui ferait dire à ceux qui lisent qu’ils y ont vu leur visage, qu’ils ont entendu la voix ouverte des forêts, qu’ils se sont sentis branche à la place des branches, tronc à la place des…

  • 59 juin

    59 juin

    Par moments je m’ennuie. Comme si j’avais eu un jour une vie pleine d’entrain. Je suis un jour sans texte. Vidé de tout alphabet, je me traîne là, comme un enfant abattu, un animal laissé, en peine. Je suis calme intérieur, juste ennuyé, avec quelque chose de perdu. 

  • 57 juin

    57 juin

    Au réveil, les couleurs du jour avaient des cris de mouettes. Il a fait chaud tout le jour, comme sous les plumes d’une cane en couvaison.  Les douleurs un peu effacées, c’est la nuit, je suis assis dans la cuisine, sous la lampe, je croise et décroise les jambes. Elles sont belles. Toutefois, il y…

  • 56 juin

    56 juin

    Non, elle n’aurait pas dit ça, peut-être pas dit ça.  Le soleil comme une porte fermée sur après, je reste au dedans. Mon corps prend de plus en plus de place dans ma vie. Mes jambes de femme ont cessé de me démanger, mais ça tire toujours un peu quand je les regarde. La femme…