91ème parallèle

  • 55 octobre

    55 octobre

    Alors j’ai pensé demander. Puisqu’on ne voit pas ce que donne un visage qui change. C’est la bredouillerie de l’autre jour qui m’y a fait penser. Quand nos gens s’enmeurent, on serait plus de langage d’un coup, on serait d’abord parlés par les mots, et eux emmêlés se presseraient, s’écraseraient en purée, une vraie bouillie,…

  • 54 octobre

    54 octobre

    En rentrant, je me suis regardé dans la glace et j’ai vu une personne dont on ne saurait dire – les yeux vairons peut-être et le visage taché, on ne saurait dire beaucoup plus.  J’ai compris la question du Sphinx : j’étais devenu inaperçu, j’étais comme une grande affiche pleine d’écriture privée de signe, un…

  • 53 octobre

    53 octobre

    Il est des statues qui vous suivent des yeux.  Je traversais le parc quand le Sphinx m’a demandé : “Qu’as-tu fait de ton visage ?”  C’est vrai, j’ai dit, je sais pas, il est tombé dans quelque chose comme un masque, une fripure de cave, le vêtement du fond d’un carton, peut-être moisi.  J’avais perdu…

  • 52 octobre

    52 octobre

    “Au moins, je serai morte au soleil”. C’est ça la phrase qui m’était dans la tête, au réveil du rêve. Ça me boustinguait drôlement d’être ainsi morte, c’était par conséquent agréable de se réveiller vivante. J’ai ouvert mes yeux de ni l’un ni l’autre et regardé le plafond. La mouche m’attendait calmement. Elle est patiente,…

  • 51 octobre

    51 octobre

    Ensuite j’ai essayé d’expliquer à la femme rousse ce que c’était que les sensations nouvelles. Quand j’essaie d’expliquer, ça tourne vite aux bredouilleries : cette affaire de bredouiller quelque chose, et d’après rentrer bredouille du langage. Mais quand même. Les sensation nouvelles, c’est une bigarrure de moi-même, c’est-à-dire, le sentiment intérieur d’être marbré. Il faut…

  • 50 octobre

    50 octobre

    Tandis que le soleil se couche et nous jette son œil borgne et furieux, je crie, je suis personne. Personne n’a jamais eu ça avant. Je crois pas. Je pense pas avoir entendu quelque chose de ce genre. Les jambes qui deviennent de quelqu’un d’autre, d’abord, puis qui sont les vôtres mais d’un autre genre.…

  • 49 octobre

    49 octobre

    Une oppression comme perpétuité, et destin de temps vide. J’ai continué à parler. Verser. C’était un versoir de langage, un conversoir de moi à moi tout seul avec les oreilles de la femme rousse, de moi tout seul juste sur le point de devenir avec une jambe différente. Pourquoi j’ai dit une jambe alors que…

  • 48 octobre

    48 octobre

    Il n’était pas certain que Mme Chomagne eût eu besoin de faire état devant sa voisine des échos indéfinissables du soleil de décembre. Et pourtant, ce jour-là, je l’ai entendue en passant.  Ce jour-là je me rendais chez la femme rousse au tailleur blanc. J’ai l’habitude de tendre l’oreille à toutes les conversations. Ce jour-là…

  • 47 octobre

    47 octobre

    On ne sait toujours pas ce qu’il s’est passé avec toi, mais maintenant je sais un peu mieux ce qu’il se passe avec moi. Toi et moi n’est pas très bien séparé. Je suis comme te traversant : quelque chose de moi vit quelque chose de toi, je te suis dans tes jambes : ça,…

  • 46 octobre

    46 octobre

    La peur de rater quelque chose. Pas l’échec, non, le regret simple.  Rater ce qu’on n’a pas fait, ce qu’on ne peut pas rater. Regretter ce qu’on n’a pas fait, tout ce que tu pouvais regretter. J’en savais rien de rien, tout juste si j’effleurais à peine ta peine. Vaste pourtant.  Mais personne n’a vu…