Je compte. Je compte les pas de la souris entre son trou et le pied de l’armoire où elle disparaît. Je compte les mouches sur l’abat-jour quand il fait chaud et que la nuit entre. Je compte dans ma tête mes battements de cœur. Je compte les voitures qui passent dans la rue, à l’oreille, et les bus. Je compte le nombre de nuages dans le ciel mais ils sont collés entre eux. Je compte les morceaux de ciel libres entre les nuages. Je compte les poignées de mains que j’ai échangées depuis le début de ma vie, et c’est un chiffre astronomique malgré l’étroitesse de ma vie sociale. Je compte et puis je ne compte plus : ce qui change avec mes jambes de femme, c’est que la vie rentre moins bien dans les nombres.
Je compte et je recompte et je pense au buveur qui dit rien ne sert de compter, parce qu’au juste, que changent les nombres, si ce n’est, parfois, le contenu des verres ?