91ème parallèle

  • 34 octobre

    34 octobre

    La solitude nous tenait, serrés dans son dos, entre deux omoplates un peu creuses. Et on faisait comme on pouvait, je sais seulement qu’on se serrait, qu’on poussait nos bouches, nos torses, qu’on embrassait de nos bras tout ce qui était possible.  Et pourtant jamais on arrêtait d’être seul. Homme ou femme, toujours et définitivement…

  • 33 octobre

    33 octobre

    Comme s’il fallait avoir tous les jours quelque chose à dire. Commenter une bombe, un décès, un film, on était convoqué à chaque instant, même ceux qui voulaient habiter un univers différent. C’était sans limite et sans nuance, des ombres rhétoriques partout sur le sol. Météorite égarée, un poème tombait sur le lotissement. Des maisons…

  • 32 octobre

    32 octobre

    Je dessine.  Je peins la souris. Je me fiche du réalisme. C’est un singe sur la feuille. Qu’importe. J’ai pensé à la souris, c’est le singe qui est venu sur la feuille. Je suis habité par les animaux. Ils se mélangent. Moi aussi. Je ne sais plus si je dois dire habité ou habitée. Je…

  • 60 septembre

    60 septembre

    C’est l’après-midi, je me perds dans les personnages secondaires de mon enfance, leurs traits saillants resurgis de nulle part : les joues violacées du gros marchand de vin alsacien qui faisait des blagues salaces à ma mère ; la voix rauque et autoritaire de Bernadette qui venait chez ma grand-mère avec son pull rêche et…

  • 59 septembre

    59 septembre

    Précautions du vide, et le pain sèche à la journée. Un destin pour les crépuscules. La vie est plus ou moins articulée : parfois seulement tige métallique, parfois soupe dorée et fuyante. Alors les notes se lèvent, sortent du piano et se jettent à l’eau : ça fait des gerbes grandes comme milliers de dauphins.…

  • 58 septembre

    58 septembre

    Tout ce qu’on peut dire et penser à propos de quelqu’un qui n’est pas là.  L’absence se fait le vide de l’absence. Nous sommes troués, toujours troués, et autour du trou quelque chose qui n’est pas simple à définir.  Quand tu étais là, une certitude : nous parlions. Je ne regardais pas beaucoup tes pieds…

  • 57 septembre

    57 septembre

    Je me souviens de tes mains. Tes doigts fins, taillés sur ceux des sculptures, tu étais comme sortie du marbre, un Bernin qui aurait pris vie. Mais je ne me souviens pas de tes jambes. Comment pourrais-je les reconnaître.  Je pense. Je cherche un instant où j’ai vu tes jambes, eu loisir de les observer.…

  • 56 septembre

    56 septembre

    L’oracle des intérieurs de corps a délibéré avec ses visions.  J’aurai des jambes de femme, l’intérieur de plus en plus femme, c’est écrit.  C’est un changement qui est venu par l’effet d’une volonté, on ne sait laquelle. (On devine presque.) (Ça viendrait du sol.) Le monde sera changé par les hommes-femmes transformés par le bas,…

  • 54 septembre

    54 septembre

    Peut-être que mes jambes de femme m’ont poussée, par le bas, à devenir une femme.  Peut-être que ce sont tes jambes, je ne les reconnais pas.  J’ai pris rendez-vous pour une étude, une scrutation qui permet de savoir des choses.  Je pensais que c’était dans les rêves ; il semble que ce soit de ce…

  • 53 septembre

    53 septembre

    Je regarde par la fenêtre. Dans le ciel moite, un cri rauque, la vitre inarticulée de ta tête, et les secondes chavirent.  Tout est rentré dans l’ordre. Il y a toujours au moins deux plans de réalité. Je sais m’y perdre, mes habiletés. Je passe de l’un à l’autre par des fenêtres transparentes. Je traverse…