La route, ô mes cruelles proprioceptions, les sensations difficultueuses. C’est pour ça que depuis longtemps je ne bouge plus de chez moi. Là, je suis dans un car. Il ressemble à un grand insecte, une sorte de cricket, et se meut avec des secousses plus ou moins amorties, des ondulations de reptile.
Je suis dans son corps. Pour ne pas souffrir de la maladie du voyage, qui me fait peur et me donne des nausées, je dois me laisser aller, me concentrer pour penser que j’appartiens au corps de l’animal. Que mon propre corps est un de ses organes, qui bouge au même rythme et sans risque. À cette condition, je contiens l’angoisse à un espace raisonnable.
Et puis il y a cet homme, qui m’accompagne et me parle de choses distrayantes et douces. De la ville d’où nous venons, et de ses petitesses. Il y a beaucoup à dire.