A l’origine on était deux visages.
A l’origine on était des bandes de mots sans force et vides de sens, des visages dessinés de force par la langue, mais qui ne voulaient rien dire encore, que personne ne reconnaissait, personne ne voyait ne pouvait toucher ou dire, Ah tiens, c’est icelui. Des visages sans réponse, des visages absentés, des ombres de traits, et ce qui coulait du ciel, pelures de rêves et copeaux des fantasmes mal épluchés, et les jus des légumes intérieurs, les renversements cyniques du Sphinx et la litanie sans terminaison des bonjours et des qui-êtes-vous.
A l’origine on était deux visages deux corps et puis on est descendues en outrepatience, je pense que c’est là que quelque chose s’a mélangé de nous. Tu as disparue ce jour dans la gare, ce jour qui était finalement le lendemain du jour où on a descendues. Je me souviens maintenant : on a descendues ces marches-là comme une descente de cave simple où tu vas chercher une pomme, on a descendues les marches – grises noires, humides à caille-moisissure – et dans le sombre du bas-lieu, quelque chose a vibré d’entre nous, et c’est passé, c’est passée.
C’est passé passée entre nous, les mélangeages de visages, les mélangeages de jambes, les mélangeages de nos genres. Dans le sombre du bas-lieu.
Le lendemain, tu es disparue dans la gare.
Qu’est-ce que je fais maintenant ?