Il y a toujours des soirs et des matins. Il y a ce qu’on pense, et ce qui se pense pour nous au dedans, sans savoir.
Je parle avec une souris. Elle me dit que ma mère est morte et vivante, que si sa bouche est fermée pour toujours c’est qu’on a mis de la colle éternelle à ses lèvres.
Cette souris n’a pas d’enfant. C’est une souris sans dent. Une sorte de sagesse animale. Elle s’exprime comme un oracle. Elle ne s’entend pas elle-même, elle est parlée peut-être par des voix d’outre tombe. On ne sait pas.
Au matin, je suis allé jusqu’au cimetière. J’ai marché entre les tombes, les morts riaient en me voyant passer. Ils tordaient leur bouche et grimaçaient depuis les marbres lisses.
Dans ce cimetière, il y a des couronnes en plâtre jaune sur toutes les tombes. On les fabrique depuis cent ans, ce que personne ne peut expliquer. Le cimetière est le lieu pour croiser des ossements. Ils sont prétendument ensevelis, mais chacun sait que la terre remue. Que les ossements resurgissent quand on s’y attend le moins. Avant de rejoindre la vie sauvage des cimetières, les morts passent par les vrais lieux de la mort : salons artificiels, exposition de boîtes ouvertes, pièces emplies de fleurs des fleuristes, cahiers de mots pleins de larmes, le tout sur un carrelage qui reflète le plafond percé de mille trous pour l’acoustique, des fois que les morts crient quand tout le monde chuchote. Ces funérariums font mourir plus sûrement que l’ensevelissement dans la terre. C’est convivialités et industrie, la mort bien propre.