On regardait le monde s’effacer lentement, nous échapper, notre monde nous tomber des mains. Jusqu’ici on devait se tenir penché sur son épaisseur, s’accrocher à des images de tête, des piqûres rutilantes qui nous enfievraient sans but. Il restait quelque chose, si ce n’est d’optimiste, pas un espoir, plutôt une langueur confuse concernant l’à venir.
Depuis que les hommes ont été emmenés ce n’est plus pareil. On sait que ça finit. Mon compagnon parti, je suis de nouveau seule avec moi, seule même au milieu des autres, je n’ai plus de pair, de paire.
On sait que ça finit : on regarde le ciel qui noircit à peine il a jauni. L’aube et le crépuscule s’embrassent. Et dans nos têtes il n’y a presque plus à quoi s’accrocher. Ça ne tient plus. Les images d’avant, les souvenirs, la pensée de ta peau que j’ai perdue depuis plus d’un an, les villes qu’on a connues, ce qui fait le monde au dedans de nous s’efface à mesure de sa disparition au dehors.