51 mars

On est arrivés dans une petite ville. C’était déjà la cinquième. Nora est venue au devant de nous. Elle portait une jupe simple et rose. Elle nous a parlé du temps qu’il faisait, de la chaleur changeante, de l’humidité qui vaquait, des intempéries atroces qu’ils avaient vécues. 

Soudain c’était des paroles, et pourtant c’était des choses réelles. 

Elle nous a conduits vers un groupe de femmes. On s’est assis près d’elles, parce que c’était tout ce qu’il y avait à faire – on était conviés avec nos oreilles à écouter. 

Elles parlaient de leurs boules aux ventres. C’était l’envers du front, une guerre intarissable. L’angoisse qui montait, de voir peu à peu ceux qui pensaient ne pas trop souffrir se trouver en mauvaise posture. C’était pire que les cauchemars, et la culpabilité pour celles qui avaient vu déjà les autres s’engloutir. Jusqu’à un certain point, dans l’indifférence de l’époque – les pauvres, c’était dans l’ordre des choses – les voir souffrir faisait mal, pour beaucoup suffisait à plonger dans des abîmes. Pour les autres c’était la dernière limite avant d’être soi-même pauvre.

On n’avait rien à ajouter. 

Et pourtant c’était une rencontre.