Je marche au ralenti pendant que mon cœur bat vite. La forêt murmure, des lianes gluantes s’échappent en volutes de sa bouche immense.
Je marche au ralenti dans l’immobile agitation des ombres. Un lémurien aux yeux francs passe en sautant, ses bonds alignés sur mon rythme cardiaque.
Je marche au ralenti, c’est tropical. Des feuilles épaisses et jaunes, avec des nervures en relief, ploient dans la pénombre. Si je les touche, elles dégagent des effluves tanniques, qui laissent sur ma peau une sensation plus ou moins rugueuse, selon la taille des feuilles.
Je marche au ralenti entre des agaves claires, à feuilles acérées, et la ramure sombre, vernissée, des arbustes. Sur les feuilles, des gros champignons se déplacent, paisibles, roses, rouges, en forme de fleur. Non, ce sont des escargots sans coquille, ou dont la coquille a été croquée par un prédateur à la gueule un peu allongée.
Je marche au ralenti pendant que mon cœur ralentit. Le prédateur est là. Il a un corps de chien, son pelage gris taché de minuscules étoiles jaunes diffuse une lumière délicate dans le sous-bois. Il ouvre une gueule profonde, et me montre : l’intérieur a la forme d’un moule qui dessine en creux une fleur de liseron.
Je marche au ralenti. Passe un escargot dont la coquille n’a pas encore été croquée. Il siffle un air de Bach. A son côté zigzague un gros insecte qui a l’allure d’un sein énorme, à carapace striée, corail. Il est rond et chaud comme la bise du nord, son dos couvert de grains de café qu’on dirait collés à la main. C’est un mamillon doré, ancestral, aux vertus magiques : il fait couler le lait des arbres.