Je marche, je porte le vent sur mes épaules, j’ai des frôlements qui caressent le corps, mes bras mes jambes, un ballotement ample, ma peau qui tient, mes pieds obéissants. Je sais être bien. J’habite le corps : il est à moi.
Parfois je sors. Parfois je regarde. Du dehors. Je ne choisis pas, je fais cette expérience, je ne choisis pas, je sors du corps, je suis au delà, je regarde, je ne dis rien. On ne sait jamais. Ce n’est pas moi qui décide. Je me fais discret pour ce qui est d’habiter parfois le dehors du corps. Je ne crois pas que ce soit vraiment ordinaire. Je me tiens coi. Je me tiens droit. Je ne renonce pas à vivre. Même au dehors du corps, il faut bien exister. On ne peut quand même pas disparaître. Ce n’est pas si facile.
Quand elle est morte ma mère m’a dit : les enfants vieillissent mais le printemps garde sa couleur, vert ballon.
C’est une parole rapportée. Je la rapporte parce que c’est vrai, j’ai vieilli. Je garde ma couleur. Une couleur de peau. Une couleur qu’on ne peut pas décrire. Qui n’est pas intéressante. Une couleur ordinaire. Est-ce vraiment une couleur ? Ou bien un embranchement du corps avec le réel autour ?